La langue de Nicolas Sarkozy
Jun. 7th, 2006 04:39 pmTiré du site de Martin Winkler (l'article en entier peut être lu ici):
"Pour Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur de la France républicaine, il est concevable de régulariser les papiers des immigrants en situation irrégulière à condition que leurs enfants soient 1° scolarisés, 2° nés en France et 3° ne parlent pas la langue de leur pays d’origine (dans un autre organe de presse j’ai lu « n’aient aucun lien avec leur pays d’origine »).
[...]
3° La langue du pays d’origine - c’est sur ce point que la « pensée » de Nicolas Sarkozy est la plus claire. Faire de la méconnaissance de la langue du pays d’origine (ou l’ « absence de tout lien avec le pays d’origine ») par les enfants nés en France une condition à la régularisation des familles ce n’est pas seulement monstrueux, c’est aussi d’une grande perversité.
Car tout enfant d’immigrant entend ses parents parler leur langue d’origine, la comprend, et la parle lui aussi. Même s’il apprend à l’école la langue du pays d’accueil. Il ne peut pas en être autrement à moins d’interdire aux parents de parler leur langue maternelle devant leurs enfants, et de ne s’adresser à eux que dans une langue d’accueil qu’ils maîtrisent le plus souvent très mal.
Et ce serait d’autant plus stupide de le faire que les enfants sont souvent en eux-mêmes le principal vecteur d’intégration des parents : parlant les deux langues ils deviennent les interprètes de leurs parents.
Moi qui en 1962 ai émigré avec mes parents en Israël, pays dont je ne connaissais pas la langue, j’en sais quelque chose : au bout de quelques mois, mon frère et moi, qui avions respectivement 7 et 6 ans, parlions mieux l’hébreu que nos parents. Et s’il avait fallu que nous cessions de parler le français ?
Question : si un citoyen venu d’un pays anglophone demandait l’asile politique en France en raison de persécutions exercées sur lui par le gouvernement Bush, préciserait-on comme condition que ses enfants ne parlent jamais l’anglais ? Leur interdirait-on de prendre l’anglais comme première langue dans un collège ou un lycée républicain ? Et si un enfant de réfugié chinois né en France décide d’étudier le Chinois au lycée, va-t-on l’empêcher de le faire ? Jusqu’à quel âge ces enfants seront-ils privés de tout contact avec leur pays ou leur culture d’origine ? Et dans la mesure où leur premier lien avec cette culture, cette langue, ce pays est représenté par leurs parents, Monsieur Sarkozy veut-il dire que les enfants pourraient être gardés en France, mais que pour bien faire, les parents en seraient, eux, expulsés ?
Interdire à quelqu’un de parler sa langue ou la langue de ses parents, c’est cruel et c’est barbare. Faire de l’ignorance (ou du mensonge) une condition d’intégration, c’est pervers et monstrueux. Et, en pratique, ce n’est pas seulement monstrueux, barbare et pervers. C’est aussi très, très con.
Il est impossible qu’un enfant ignore ses origines culturelles - la langue d’origine en est non seulement le cœur mais aussi le vecteur. Et on peut se demander si Nicolas Sarkozy, qui n’hésite jamais à rappeler qu’il est lui-même issu d’une famille d’immigrés, ignore tout de la langue de ses ancêtres.
En tout cas, le langage politique du ministre de l’Intérieur n’a rien de maternel. Ce n’est pas un langage d’ailleurs. Un langage, c’est un outil de communication, d’échange, de partage, d’intelligence.
Quatre mots totalement... étrangers à Nicolas Sarkozy."
- Martin Winckler
"Pour Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur de la France républicaine, il est concevable de régulariser les papiers des immigrants en situation irrégulière à condition que leurs enfants soient 1° scolarisés, 2° nés en France et 3° ne parlent pas la langue de leur pays d’origine (dans un autre organe de presse j’ai lu « n’aient aucun lien avec leur pays d’origine »).
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3° La langue du pays d’origine - c’est sur ce point que la « pensée » de Nicolas Sarkozy est la plus claire. Faire de la méconnaissance de la langue du pays d’origine (ou l’ « absence de tout lien avec le pays d’origine ») par les enfants nés en France une condition à la régularisation des familles ce n’est pas seulement monstrueux, c’est aussi d’une grande perversité.
Car tout enfant d’immigrant entend ses parents parler leur langue d’origine, la comprend, et la parle lui aussi. Même s’il apprend à l’école la langue du pays d’accueil. Il ne peut pas en être autrement à moins d’interdire aux parents de parler leur langue maternelle devant leurs enfants, et de ne s’adresser à eux que dans une langue d’accueil qu’ils maîtrisent le plus souvent très mal.
Et ce serait d’autant plus stupide de le faire que les enfants sont souvent en eux-mêmes le principal vecteur d’intégration des parents : parlant les deux langues ils deviennent les interprètes de leurs parents.
Moi qui en 1962 ai émigré avec mes parents en Israël, pays dont je ne connaissais pas la langue, j’en sais quelque chose : au bout de quelques mois, mon frère et moi, qui avions respectivement 7 et 6 ans, parlions mieux l’hébreu que nos parents. Et s’il avait fallu que nous cessions de parler le français ?
Question : si un citoyen venu d’un pays anglophone demandait l’asile politique en France en raison de persécutions exercées sur lui par le gouvernement Bush, préciserait-on comme condition que ses enfants ne parlent jamais l’anglais ? Leur interdirait-on de prendre l’anglais comme première langue dans un collège ou un lycée républicain ? Et si un enfant de réfugié chinois né en France décide d’étudier le Chinois au lycée, va-t-on l’empêcher de le faire ? Jusqu’à quel âge ces enfants seront-ils privés de tout contact avec leur pays ou leur culture d’origine ? Et dans la mesure où leur premier lien avec cette culture, cette langue, ce pays est représenté par leurs parents, Monsieur Sarkozy veut-il dire que les enfants pourraient être gardés en France, mais que pour bien faire, les parents en seraient, eux, expulsés ?
Interdire à quelqu’un de parler sa langue ou la langue de ses parents, c’est cruel et c’est barbare. Faire de l’ignorance (ou du mensonge) une condition d’intégration, c’est pervers et monstrueux. Et, en pratique, ce n’est pas seulement monstrueux, barbare et pervers. C’est aussi très, très con.
Il est impossible qu’un enfant ignore ses origines culturelles - la langue d’origine en est non seulement le cœur mais aussi le vecteur. Et on peut se demander si Nicolas Sarkozy, qui n’hésite jamais à rappeler qu’il est lui-même issu d’une famille d’immigrés, ignore tout de la langue de ses ancêtres.
En tout cas, le langage politique du ministre de l’Intérieur n’a rien de maternel. Ce n’est pas un langage d’ailleurs. Un langage, c’est un outil de communication, d’échange, de partage, d’intelligence.
Quatre mots totalement... étrangers à Nicolas Sarkozy."
- Martin Winckler